Altar C, 2021
Photographie avec retouches numériques n°1 De la série photographique Altar C, impression jet d’encre pigmentaire sur papier RC brillant Canson 270g 29,7 x 41,53 cm et contrecollage sur dibond 2mm

Altar C, 2021

Altar C est une planète fictive née d’un fond de casserole retouché. Elle détourne les codes de l’imagerie spatiale pour questionner nos fantasmes de conquête, l’autorité des images scientifiques et la manière dont on fabrique du territoire même dans le vide.

Altar C est une planète. Mais Altar C n’existe pas ; c'est une masse stellaire faussement lointaine, imaginaire mais plausible. Altar C n’est que reconstitution. Altar C est en réalité une photographie d’un fond de casserole passé sous photoshop. Ce projet part de là : de ce geste d’imposture légère, qui transforme un rebus domestique en fiction géopolitique à échelle galactique.

Car ce n’est pas vraiment de l’espace qu’il s’agit, mais de notre manière de le projeter. Comme la mer, comme les abysses, le cosmos est souvent perçu comme un non-lieu — une terra nullius, hors d’atteinte, hors du monde. Pourtant, dans les logiques d’appropriation et de domination qui gouvernent le réel, ces zones dites vierges sont déjà codées, balisées, investies. La mer a ses frontières invisibles, l’espace a ses orbites exploitées. Et Altar C, dans cette histoire, vient jouer le rôle de révélateur.

Il ne s’agit pas ici d’une simple manipulation graphique ou d’un hommage aux textures célestes. Altar C est une image piégée : une illusion de planète, montée de toutes pièces, mais qui active aussitôt un imaginaire scientifique, militaire, capitaliste. Ce que l’on voit semble familier : un demi-globe, des lignes de faille, des surfaces nuageuses, une atmosphère potentielle… Mais ce que l’on regarde est entièrement faux. C’est une parodie de satellite. Un simulacre d’exploration.

La force du projet repose sur cette ambiguïté : Altar C est crédible. Elle est belle, même. Et c’est là que réside le trouble. Si l’on croit en sa réalité, c’est parce qu’on est déjà conditionné·e·s à intégrer les codes visuels de l’image scientifique. Une planète doit ressembler à ça. L’humanité doit vouloir la conquérir.

En jouant avec ces réflexes visuels, cette série interroge l’autorité des images dites objectives, les fantasmes de terraformation, et la manière dont notre regard est continuellement orienté vers l’ailleurs pour oublier les désastres du présent. Altar C est donc aussi une critique voilée de la fuite en avant technologique, de cette idéologie de l’exploration infinie qui fait fi de l’existant.

En somme, c’est un monde inventé, mais un monde possible. Une contre-planète née d’une plaque brûlée, qui questionne nos désirs de conquête, nos mythes scientifiques et la confiance que l’on place encore dans les images lisses de la vérité. Altar C n’est pas un espoir. C’est un miroir.

Détail d’une mise en espace avec légende Série photographique Altar C, 2021 Impression jet d’encre pigmentaire sur papier RC brillant Canson 270g et contrecollage sur dibond 2mm, plaque en plexiglass