
L'Art en mode survie dans un open-world, Mémoire 2024
L'art doit survivre à lui-même et à tout ce qui le noie dans une définition sans distinction. II doit, en plus de s'inscrire et trouver une place quelque part à la surface des six plans que représentent l'espace d'exposition, s'esquisser une fois au moins au sein de la grille virtuelle, grille numérique. Dans cet OPEN-WORLD, survivre signifie saturer autant que possible l'espace : ( Comment l'art peut-il manipuler l'espace et parler des territoires d'un monde ouvert ?), spammer l'écran : COMMUNIQUER (comment la communication peut-elle servir l'art dans sa circulation d'un espace à un autre ?) , à la manière des alertes asphyxiant le regard (Comment notre perception et nos REPRESENTATIONS affectent notre lecture de l'art et des TERRITOIRES ?) et l'écran des « mmo rpg » pour espérer capter un débris d'attention (surtout qu'il se retrouve maintenant imité, décodé, relayé par l'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE qui lui impose de nouveaux horizons).
Dans ce mémoire-essai, je pose les bases d'une réflexion méditative sur les enjeux artistiques et technologiques à travers la notion de territoire — ses contours mouvants, ses limites réelles ou fictives, ses frontières poreuses. L’écriture se déploie comme une cartographie en spirale, cherchant à révéler les espaces d’exposition comme autant de terrains de jeu, de tension ou de reterritorialisation pour l’art.
J’interroge ce que signifie « faire art » aujourd’hui dans un monde où les lieux traditionnels de monstration — musées, galeries, institutions — coexistent avec des plateformes virtuelles saturées, où l'œuvre circule, mute et parfois se dissout. À l’image d’un open-world vidéoludique, l’artiste y évolue en mode survie, spamme l’attention, tente de saturer le champ perceptif pour subsister.
Plusieurs axes structurent cette réflexion. Les espaces d’exposition du white-cube aux musées ethnographiques. Entre neutralité feinte et pouvoir de formatage. Le white cube y est abordé comme un espace paradoxal — à la fois support et effaceur de contexte. Le musée, lui, devient un lieu de collection, de concentration, mais aussi de narration : il fige des objets et tente de raconter des histoires globales. À travers l’idée de collage, d’accumulation, je questionne comment les œuvres cohabitent, s’affrontent ou se neutralisent dans ces espaces.
La représentation et la mémoire des territoires à travers les œuvres. L’art, pour ne pas tourner à vide, convoque sans cesse des mémoires, des géographies, des identités — qu’elles soient personnelles, collectives ou symboliques. Je m’appuie sur des exemples d’œuvres où la représentation devient un outil de recontextualisation : le territoire n’est plus seulement un espace, c’est un faisceau de tensions entre ici et ailleurs, entre intime et politique.
Enfin, les technologies contemporaines, notamment les intelligences artificielles, comme nouveaux espaces instables où se rejouent des enjeux de création, de simulation et de transmission. Je propose une lecture des technologies émergentes comme outils de création mais aussi comme territoires en soi — instables, algorithmés, souvent déshumanisés. À travers mes propres expérimentations, je réfléchis à la manière dont ces technologies performent ou parasitent les récits artistiques, et comment l’artiste peut y tracer malgré tout des lignes de fuite.
Ecrite comme on trace une carte à la main, cette recherche ne cherche pas à poser de réponses définitives. Elle ouvre des pistes, creuse des galeries, propose des liens souples entre théorie, pratique et fiction critique. Elle tente surtout de reconnaitre ce qui est parfois difficile à déceler et pourtant inséparable : les territoires de l’art et ceux de la vie, les espaces d’exposition et les zones de conflit, les gestes de monstration et les flux de communication.
C’est aussi un texte-réseau, nourri d’exemples d’œuvres, de lectures croisées et d’expérimentations personnelles. Un fil rouge y persiste : comment penser l’art sans l’enfermer, comment faire territoire là où il semble s’effacer, comment dire sans figer ?
Un art qui survit, ici, ce n’est pas un art qui s’adapte. C’est un art qui résiste par la porosité, par le décentrement, par l’essai. Un art qui refuse l’évidence du cadre et qui préfère les failles, les marges, les glitchs — tout ce qui permet de reconfigurer les repères.